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0168 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 168 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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334   LES INFLUENCES ARTISTIQUES

quelle le sens historique d'Émile Senart l'avait conduit, il y a déjà un demi-siècle, en rapportant au temps de la domination scytho-parthe les débuts effectifs de l'école gréco-bouddhique du

Gandhâra (25).

Peut-être convient-il de le noter à ce propos : le dernier historien qui se soit occupé, on sait avec quelle érudition et quelle pénétration, des « Grecs dans l'Inde » jusqu'à l'obscure période où s'éteint leur déclin, nous fait une description des plus rassurantes de l'invasion des Çakas. A son avis, les chefs yavanas, des basileis aux simples stratèges ou méridarques, ont dû se retirer à temps dans les hautes vallées du versant méridional de l'Hindûkush, tel ce Théodamas, dont le sceau a été retrouvé au Bajaur; mais les marchands demeurèrent fidèles à leurs boutiques, les artisans à leurs ateliers et ainsi il resta « encore beaucoup de Grecs dans les Paropamisades » jusqu'à la fin du Ier siècle avant J.-C. Pour lui « les Çakas, de même que les Parthes, n'étaient pas de simples destructeurs : ils étaient prêts à faire leur profit de la civilisation supérieure des vaincus, ils gardèrent l'administration provinciale grecque et frappèrent leur monnayage dans les ateliers grecs avec les mêmes exergues bilingues, tandis que les cités grecques, pour le peu qu'il y en avait, gardaient quelque autonomie... », et il en cite comme preuve une médaille fam euse de Pushka râvatî (26). Pour compléter ce tableau flatteur il ne tiendrait qu'à nous de rappeler que la religion bouddhique n'a pas conquis moins promptement que la civilisation grecque les envahisseurs barbares du Nord-Ouest, à l'exception des seuls Huns Hephtalites : et ainsi nous pourrions renouer sans sourciller le fil interrompu de notre enquête et poursuivre, comme si de rien n'était, l'histoire de l'école gréco-bouddhique. Mais il n'est que trop probable que, si nous possédions de ce temps les mémoires de quelque Gandhârien, nous entendrions un tout autre son de cloche. Même si les meneurs scytho-parthes, au cours de leur périple du massif afghan et de leur séjour en IndoScythie, s'étaient quelque peu frottés de civilisation et étaient devenus capables de s'élever à la conception d'un État, d'ailleurs éphémère, leurs troupes restaient faites des nomades de la steppe, pour qui le pillage était l'unique justification de la guerre ; et la région du Nord-Ouest dut l'éprouver cruellement. Le cri des victimes égorgées et la fumée des incendies ne pénètrent pas toujours dans le confortable cabinet d'étude des historiens : mais il n'en est pas de même des inscriptions qui, en nous parlant de « restauration » et de « rétablissement » de sanctuaires et de reliques (supra, p. 277), prouvent en tout cas que les fondations bouddhiques n'avaient pas été épargnées par les farouches adorateurs du feu et de l'épée nue. Nous devons d'ailleurs avouer que l'historien ne s'en trouve pas autrement troublé ni gêné, bien au contraire, dans sa tâche.

Qu'on veuille bien croire que ce n'est pas un goût dépravé pour les paradoxes qui nous fait apercevoir dans les maux et les ravages dont souffrirent alors moines et monastères les douleurs qui accompagnèrent l'enfantement de l'école gréco-bouddhique. Récapitulons en effet tout ce qui précède en distinguant soigneusement ce que nous savons de ce que nous croyons savoir. Au début du Ier siècle avant notre ère et à la veille de ce que les Grecs appelèrent la « barbarisation » de la région indo-iranienne, tout nous fait croire que les temps étaient mûrs pour la naissance au Gandhâra d'un art combinant à sa manière l'inspiration bouddhique et la technique hellénistique, et puisant dans ce mélange inattendu une sorte d'originalité. Allons plus loin : l'épanouissement subséquent de l'école gandhârienne nous contraint à penser que déjà quelques essais avaient été tentés en ce sens sur l'initiative de Grecs convertis ou de métis indiens élevés à la grecque ; car il n'y aurait pas eu floraison s'il n'y avait pas eu semence. Mais d'autre part, il nous faut bien admettre que ces tentatives isolées n'étaient pas entrées dans le domaine commun. • Le seul art bouddhique qui existât alors au Gandhâra — et encore vient-on de voir que nous sommes obligés

d'en inférer l'existence, faute de la constater de visu   est le même qui venait de se développer