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0126 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 126 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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292   LES PROPAGANDES RELIGIEUSES

découvriraient encore d'autres rapprochements à faire entre telle secte grecque ou égyptienne, syrienne ou mésopotamienne et celles qui commencent dès lors dans l'Inde à se réclamer ouvertement du Mahâyâna. Encore y aurait-il lieu de décider, selon les espèces et selon les dates, s'il s'agit ou non d'un emprunt et, dans ce cas même, de quel côté se trouve le preneur. De toutes façons il nous faut une fois de plus revenir en arrière pour reprendre à l'origine cet autre fil, lui-même des plus complexes, de l'écheveau que nous tâchons de débrouiller. Comme dans le cas de l'apôtre Judas Thomas, la miraculeuse biographie du thaumaturge néo-pythagoricien Apollonios de Tyane n'a été rédigée qu'au début du me siècle ; et les chrétiens ne manquèrent pas d'y voir une manoeuvre de contre-offensive païenne. La nouveauté que pour notre part nous y découvrons est des plus intéressantes pour notre sujet. Apollonios nous est présenté comme faisant le voyage de l'Inde, non pour y enseigner, mais pour s'instruire auprès de ses sages. C'est en effet le temps — coïncidant, il faut l'avouer, avec la décadence de la science et de la philosophie en Europe — où celle-ci, dépouillant son orgueil, consent ouvertement à se mettre à l'école de l'Asie, à embrasser ses religions salvatrices, à se bercer des mêmes rêveries astrologiques et cosmologiques. On se plaît alors à faire non seulement de Pythagore, mais de Démocrite d'Abdère et de Platon, des disciples des Mages et des Chaldéens (ro). Plotin se joint à l'expédition du jeune et infortuné Gordien contre Shâpur IeT (244) avec l'idée d'aller boire aux sources de la sagesse mésopotamienne ; et sans doute, si l'occasion lui avait été offerte d'aller vérifier les prodigieux pouvoirs spirituels qu'on attribuait aux brahmanes de l'Inde, ne l'aurait-il pas saisie avec moins d'empressement. Il est inutile d'insister sur la portée de ce renversement de l'attitude mentale de la moitié du Vieux monde à laquelle, du fait que nous lui appartenons, nous avons coutume d'attribuer constamment le premier rôle dans l'histoire de la civilisation. Le courant déterminé par le niveau supérieur de la culture hellénique et que nous avons tout à l'heure décrit comme portant régulièrement à l'Est, hésite, s'arrête et ne tardera pas à refluer en sens inverse. Les remous provoqués par ces oscillations font remonter à la surface de toutes les littératures, hellénistique, copte, syriaque, pehlvie, sanskrite, sogdienne, chinoise, le vieux sédiment des croyances et des mythes asianiques, seulement rajeuni par un éclectisme sans frein, renforcé par des emprunts à toutes les Écritures saintes, .coloré de mystère et d'ésotérisme, et traversé dans ses couches supérieures d'inspirations néoplatoniciennes. C'est ce qu'on appelle en gros la gnose (jnâna) et la diversité de ces apports explique qu'il existe des histoires séparées du gnosticisme païen, chrétien, maguzéen, etc... Mais désormais nous devons envisager ce trouble et confus mélange d'un point de vue tout différent, non plus pour y discerner ce que l'Inde y a puisé, mais au contraire quelle contribution il se peut qu'elle lui ait apportée en échange : car ce contre-courant doit avoir charrié vers l'Occident, parmi toutes les bribes de doctrines qu'il tenait en suspension, quelques parcelles de bouddhisme.

Laissons ces trop commodes métaphores, et enquérons-nous plutôt des agents possibles d'une telle transmission. On suggérera aussitôt les voyageurs professionnels que sont les marchands ; on citera une fois de plus le témoignage oculaire de Strabon sur les 12o bateaux qu'il a vus en partance pour l'Inde dans le port de Myos-Hormos, ou encore le passage de Dion Chrysostome sur la présence à Alexandrie « de Bactriens et de Scythes, de Persans et d'Indiens ». Nous sommes tout prêts à croire que, dès la fin du IeT siècle, la population des ports égyptiens et syriens comme celle des ports ouverts de l'Inde était fort cosmopolite : mais nous ne saurions nous satisfaire à si bon marché. On oublie d'ajouter que ce même Strabon déplore l'esprit naturellement borné de tous ces « emporikoi » : s'ils sont incapables de rapporter au géographe des renseignements de quelque valeur, comment ces gens du commun (idiôtai) se feraient-ils les truchements de doctrines religieuses ou philosophiques ? Tout au plus, comme nous l'avons admis ci-dessus (p. 289), auront-ils