National Institute of Informatics - Digital Silk Road Project
Digital Archive of Toyo Bunko Rare Books

> > > >
Color New!IIIF Color HighRes Gray HighRes PDF   Japanese English
0157 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 157 (Color Image)

New!Citation Information

doi: 10.20676/00000237
Citation Format: Chicago | APA | Harvard | IEEE

OCR Text

 

LES CAUSES PREMIÈRES   323

morceau de schiste sorti de la carrière; mais nous avons trop ramené l'opération aux deux éléments constants de toute création artist'que inédite, le donateur qui passe la commande et le praticien qui l'exécute. Si ce couple n'avait existé au Gandhâra qu'à un unique exemplaire, l'invasion scythique aurait eu vite fait de le balayer, lui, et le résultat de sa collaboration. Il est grand temps de restituer les causes foncières et vraiment originelles qui ont contribué de loin et de toutes parts au succès de celle-ci : car pas plus en histoire sociale qu'en histoire naturelle il n'y a de génération spontanée ni de création ex nihilo.

L'HELLÉNISATION DE L'ASIE ANTÉRIEURE. - Confessons-le donc : quand on a une fois de plus montré que des dynastes grecs ont régné à Pushkarâvatî, et qu'ils y sont entrés en contact intime avec le bouddhisme, on n'a pas tout dit : on a même négligé le plus intéressant de l'affaire, à savoir l'inventaire de tout ce qu'en matière d'idées, de goûts et de techniques ils ont, eux et leurs gens, apporté de nouveau dans le pays conquis par leurs armes. Le Yavana n'était pas seulement ce que dès l'abord il parut être aux Indiens, un guerrier redoutable et un ingénieur habile : il était l'héritier d'une culture qui fait encore l'admiration de la postérité. Même les soldats d'aventure lancés dans leurs lointaines expéditions coloniales y participaient dans une certaine mesure et en témoignaient par l'efficacité de leur organisation, leur ordinaire esprit de tolérance et de justice, leur sens esthétique, et l'emploi intelligent que beaucoup d'entre eux faisaient de leurs loisirs : or, tandis que dans notre chapitre V nous nous sommes efforcés de fixer quelques traits de l'ondoyante figure du partenaire indien, nous avons à peine parlé du grec, le supposant connu d'avance. C'était beaucoup sous-entendre. Autre omission encore plus grave, nous semblons avoir oublié que ces Yavanas n'étaient dans l'Inde les fourriers de la civilisation hellénistique que parce que celle-ci avait déjà envahi derrière eux toute l'Asie antérieure. C'est sur le fond de tableau formé par l'Orient hellénisé que se profilent leurs énergiques physionomies, telles que nous les montrent leurs monnaies; c'est lui qui, mettant en vraie valeur l'importance de leur rôle historique, établit leur droit à être sauvés de l'oubli. Mais pour brosser cette toile de fond il ne faudrait rien moins que passer en revue, grâce aux objets ou inscriptions sortis de fouilles très dispersées et à l'aide de textes recueillis au cours d'immenses lectures, toutes les traces caractéristiques qu'a pu laisser, en Syrie et en Mésopotamie comme en Irân, la vie des colons grecs — entendez par là leur façon de se loger, de se meubler et de se vêtir, leur monnayage, leur calendrier, leurs divertissements, leurs sports, leurs arts, leur théâtre, leurs lectures, leurs notions scientifiques, leurs institutions civiles, leurs idées religieuses, etc. ; et, à propos de chaque vestige d'influence ainsi relevé, il faudrait peser comme dans une balance de précision et mesurer impartialement, en dehors de tout préjugé européen ou asiatique, le dosage de l'action étrangère et la réaction du milieu local. Tâche considérable et délicate entre toutes, mais qui, par bonheur, est en ce moment même menée de main de maître par des hellénistes et des iranisants de qualité. Grâce à leurs travaux déjà parus ou en cours, nous commençons à entrevoir, aussi bien dans sa complexité que dans quelques-uns de ses détails, l'entreprise plus ou moins consciente d'hellénisation qui a été poursuivie dans leurs possessions asiatiques par les successeurs d'Alexandre. Assurément notre rôle n'est pas de marcher sur les brisées de nos confrères : mais nous ne saurions nous dispenser de leur prouver notre gratitude pour leur précieux concours en utilisant ici les principaux résultats de leurs recherches (ii).

Tout d'abord, il ne sera plus permis aux indianistes d'oublier que l'étonnante aventure indienne des satrapes grecs de Bactriane n'est qu'un chapitre de l'histoire de l'Asie séleucide, de même que l'École du Gandhâra, vue de l'Occident, n'est qu'un rameau détaché de l'art hellénistique. L'une et l'autre ne retrouvent leur vraie perspective et ne prennent leur véritable sens