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0076 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 76 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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242   LES GRANDES INVASIONS

ramenés à l'impuissance par leur anarchie congénitale, ce seront des Turcs et des Afghans islamisés.etiranisés qui finiront par ranger politiquement l'Inde sous la loi du Prophète ; et il a naturellement fallu patienter tout le temps nécessaire pour convertir, recruter et organiser ces troupes fraîches avant de lancer la seconde vague d'invasion. Reconnaissons-le d'ailleurs : dès que la résistance du Nord-Ouest, la région de tout temps la plus martiale de l'Hindûstân, aura été péniblement brisée, le reste de la conquête progressera aussi rapidement qu'aux premiers temps de l'Islam. Plus de cinq siècles s'écouleront avant que le lieutenant de l'Afghan Mohammed de Ghôr, Qutb-ud-dîn, devienne le premier sultan de Delhi (1206) : mais cent ans plus tard Alâ-ud-dîii Khilji pourra se proclamer le maître — éphémère — de toute la péninsule.

Tournons-nous à présent vers le volet oriental du triptyque. Tandis que les Arabes ne faisaient ainsi qu'une bouchée de l'Asie antérieure, la Chine des T'ang, reprenant non moins rapidement son ascendant sur les tribus nomades de l'Asie centrale, annexait de son côté le territoire des T'ou-kiue septentrionaux dès 63o et, en 6J9, celui des T'ou-kiue occidentaux. Ainsi s'explique le fait, au moins inattendu, que, depuis le milieu du vile siècle, son intervention vase heurter à celle des Arabes dans les affaires du Nord-Ouest de l'Inde, depuis Bokhârâ jusqu'au Kaçmîr. Ne nous laissons pas trop fortement impressionner par ce soudain déploiement de puissance. Rien mieux que ces théoriques annexions ne permet de se rendre compte à quel point les immenses empires établis par les Nomades n'étaient qu'une fiction politique. Bien entendu, les bureaucrates chinois se mettent aussitôt en devoir de dresser un magnifique inventaire des nouvelles provinces, divisées entre deux protectorats et classées par gouvernements, eux-mêmes subdivisés en arrondissements et en commandements militaires : chef-d'oeuvre administratif infiniment précieux pour la géographie historique et où fort heureusement figurent à leur place les seize gouvernements compris entre l'Oxus et YIndus (3). Aussi sommes-nous bien loin de dire que ce tableau, et les nombreuses pièces de chancellerie qui le corroborent valent tout juste le papier sur lequel ils avaient été écrits (ce papier dont les prisonniers chinois ramenés par les Arabes à Samarkand allaient bientôt répandre l'usage jusqu'en Europe) : mais qu'ils aient jamais eu une réelle valeur pratique, c'est ce qu'il paraît impossible d'admettre. Tandis que la conquête de la Perse, de la Syrie et de l'Égypte a fourni aux Arabes la substance même de leur brève puissance et de leur civilisation composite, la prodigieuse hypertrophie de la Chine des T'ang dans les pays d'Occident éclatera comme une bulle de savon, sans laisser de traces profondes.

Aussi, tandis que les deux scènes latérales subissent, en réalité ou en apparence, de rapides transformations, la partie centrale, objet particulier de notre étude, ne se modifie qu'avec lenteur. Au bord de l'Oxus, l'avance arabe, arrêtée par la querelle entre les partisans d"Alî et ceux de Moâviya (657-661), s'interrompt pour un demi-siècle. Elle ne reprendra sérieusement qu'à partir de 705 avec les conquêtes du général Qutaiba. Mais alors c'est en vain que les princes régnants invoquent le secours de leur trop lointain suzerain chinois : du fond de sa capitale de Tch'ang-ngan (Si-ngan-fou), celui-ci s'inquiète moins du péril arabe que du péril tibétain, beaucoup plus proche de lui (car à ce moment les Tibétains aussi entrent dans la danse) ; et, après le Khorâsân, la Transoxiane deviendra l'un des boulevards de l'Islamismê. Vers le même temps, dans toute la région qui s'étend entre le Sud de l'Afghânistân et la mer, se déroulent des événements tout à fait parallèles. Après une série de raids désordonnés dans le Séistân, l'Arachôsie, le Kaikânân, le Belûchistân et le Makrân, l'ardeur des Arabes semble considérablement refroidie, et à juste titre, tant par des échecs cuisants que par la désolante aridité des deux derniers pays. C'est seulement en 712, alors que Qutaiba s'avançait jusqu'au Kharizm et Târik jusqu'en Espagne, qu'un jeune chef de moins de vingt ans, Mohamed Kâsim, refait au rebours d'Alexandre, mais dans le même style,