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0110 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 110 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LES PROPAGANDES RELIGIEUSES

réflexion que fait à ce propos M. P. Demiéville est donc des plus pertinentes : «Par là, dit-il, s'expliquerait la popularité acquise auprès des bouddhistes de cette région par le souverain étranger qui aurait fait succéder à la persécution un régime de bienveillante tolérance. » M. W. W. Tarn remarque de son côté que, du fait seul qu'en poursuivant leurs buts égoïstes les Gréco-Bactriens combattaient

l'usurpateur brahmanisant, ils prenaient (fût-ce d'abord à leur insu) figure de champions du bouddhisme. Ils étaient trop avisés pour ne pas utiliser cette circonstance fortuite au mieux de leurs desseins politiques. Ce ne peut être sans raison, fait encore observer M. W. W. Tarn, que Ménandre se donne sur ses monnaies bilingues, le meilleur instrument de sa propagande, le titre de Sôtèr, traduit par Trâtar; or on n'imagine pas de qui il aurait pu s'intituler le Sauveur ou le Protecteur, sinon de ses sujets bouddhistes. Qui sait même si le rôle qu'il avait ainsi assumé ne lui a pas servi aussi bien contre la dynastie d'Eukratidès que contre les Çuligas ? Comme on vient de voir, le reliquaire récemment découvert au Bajaur prouve que les petits potentats indigènes limitrophes du Gandhâra s'étaient ralliés à Ménandre : et peut-être n'est-ce pas par un pur effet du hasard que l'extension du royaume de ce dernier vers le Nord-Ouest coïncide exactement avec l'aire d'expansion • que nous venons de reconnaître au bouddhisme dans cette même région (II).

Ainsi se forme peu à peu, avec le progrès des études, un faisceau de considérations qui, se

renforçant l'une l'autre, finissent par prendre solidement corps. Il n'est pas jusqu'au témoignage de Plutarque relatif au culte des reliques de Ménandre par les Indiens qui, en dépit de sa couleur légendaire, n'acquière une nouvelle valeur. Pris isolément, il ne prouvait rien de plus que l'étendue et la profondeur du prestige personnel qu'avaient valu à ce « self-made » monarque la puissance de ses armes et la renommée de sa justice, voire de sa bienveillance; et nous tenons toujours qu'il n'y a pas lieu de faire intervenir en cette affaire aucune idée de sainteté, telle que nous l'entendons en Europe (12) ; mais que le facteur religieux n'ait eu aucune part à l'élaboration de cette exceptionnelle popularité, c'est ce que nous hésiterions aujourd'hui à affirmer. Inversement, les partisans les plus résolus de la conversion effective de Ménandre au bouddhisme devront reconnaître qu'il n'a en définitive joué dans l'histoire de l'Église qu'un rôle effacé. Assurément nous n'avons aucun droit de douter que sa foi dans les « Trois-joyaux » (Tri-raina), si tant est qu'il en fit vraiment profession, n'ait été sincère : le fait certain est qu'elle n'a pas été agissante, et il n'était pas dans le tempérament grec qu'elle le devînt. Tolérance, certaine, parce que de règle ; bienveillance, plus que probable, d'autant qu'elle était recommandée par les circonstances politiques; adhésion mentale, vraisemblable dans les limites ci-dessus spécifiées; prosélytisme, nul. Que dans le Milinda-panha tout se passe sur le plan de la controverse philosophique, c'est là une preuve d'historicité de plus; car l'idée de mettre le pouvoir séculier au service de la propagation du bouddhisme n'aurait jamais traversé l'esprit de Ménandre. Les bornes en somme restreintes de ses domaines, jointes au fait que leur évangélisation était bien antérieure à leur acquisition, ne lui permettaient d'ailleurs pas d'ouvrir un vaste champ nouveau à l'expansion de la Bonne-Loi; et c'est pourquoi si, par une exception d'autant plus remarquable qu'elle est unique, son souvenir s'est conservé dans les Écritures bouddhiques, sa personnalité n'y a jamais pris une place de premier rang, entre celles d'Açoka et de Kanishka.

Que devons-nous retenir pour notre exposé de cette trop longue, mais indispensable discussion ? L'idée que pour l'instant nos documents nous permettent de nous former de la première période de la propagation du bouddhisme dans l'Afghânistân oriental nous rend déjà compte de bien des choses. Tout d'abord, nous comprenons pourquoi les compagnons d'Alexandre nous parlent seulement soit de gymnosophistes (les ascètes çivaïtes nus, supra, p. 259), soit de sages anachorètes brahmaniques (vana-prastha, hylobioi), jamais de çramana bouddhiques. C'est seulement au cours