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0108 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 108 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LES PROPAGANDES RELIGIEUSES

pauvreté et la chasteté volontaires, et qu'au cours des années paisibles que connut la fin de son règne incontesté il se soit plu à converser avec ceux des moines mendiants

les plus renommés pour leur sagesse, rien n'est plus vraisemblable : et, de fait, l'on ne trouve

plus de critique pour mettre en doute l'authenticité théorique du cadre du Milinda-pakha (cf. infra, p. 316). C'est seulement quand la conclusion apocryphe et tardive de ce texte veut nous faire ac-

croire que ce monarque étranger aurait commis l'extravagance d'abdiquer pour entrer dans l'ordre

bouddhique et, conformément à la règle, mendier chaque jour sa subsistance dans le bâzâr, que les historiens ont toute raison de regimber. D'une part la numismatique prouve que Ménandre a cédé

son trône en mourant à son fils Strato sous la régence de la reine-mère Agathokléia ; et d'autre part, l'auteur panjâbi de la version originale du Milinda-paitha a encore un sentiment trop net des possibilités de la situation pour essayer d'imposer un pareil dénoûment à la crédulité de ses lecteurs. Il se garde bien de faire négliger à Ménandre, pour l'amour des discussions philosophiques, ses devoirs de chef militaire ; et, dans son épilogue, il est le premier à faire déclarer par le dynaste grec que « si j'entrais en religion, je n'aurais pas longtemps à vivre : car j'ai beaucoup d'ennemis ». C'est l'accent même de la vérité; et quand le roi ajoute aussitôt que, « tel un lion jeté dans une cage d'or et qui passe sa tête à travers les barreaux, » il soupire du sein de la grandeur dont il est devenu le prisonnier vers la libération totale des soucis d'ici-bas que comporte la vie du religieux, nous ne sommes pas moins tentés d'en croire sur parole l'ingénieux interprète de ses sentiments. Or, n'oublions pas qu'il existait justement à l'usage des laïques retenus dans le siècle un mode de conversion (si l'on peut employer ici ce terme) qui, n'impliquant aucun reniement de leurs croyances mythologiques antérieures, les confirmait dans la pratique de la morale commune et ne les engageait à rien d'autre qu'à une adhésion mentale aux dogmes bouddhiques de la douleur universelle et de la vanité de toutes choses, sans autre manifestation extérieure que des distributions d'aumônes à la Communauté. Ménandre peut donc fort bien avoir fait sur le tard profession d'upâsaka ou fidèle laïque sans que nous soyons en mesure de percevoir aucun changement dans le seul témoin qui nous reste de lui et de son administration, à savoir son monnayage — encore que sur les monnaies de bronze carrées, d'où sa propre effigie et celle de Pallas-Athènè sont absentes, on puisse chercher des signes de l'orientation nouvelle de sa pensée (9).

Ce serait toutefois beaucoup préjuger de l'état d'âme d'un conquérant étranger, même sénile, que d'admettre, sur la foi d'un document indien et qui ne cache pas sa partialité pour le bouddhisme, qu'il ait pu finir par témoigner d'une telle inclination de l'esprit et du coeur vers cette doctrine. Une adhésion déclarée, pour personnelle et théorique qu'elle fût, n'aurait pu manquer d'émouvoir son entourage et il nous faudrait, pour y croire, en entendre la confirmation du côté grec. C'est ici que, par un effet de réfraction assez inattendu, un texte emprunté à un géographe peut jeter quelque lumière sur la crise psychologique du monarque vieillissant. Dans son énumération des villes de l'Inde, Ptolémée se garde d'oublier l'ancienne capitale de Ménandre, lieu de scène du Milinda-panha, à savoir Sâgala (skt. Çâkala, aujourd'hui Siâlkot). Peut-être simplement pour distinguer cette Sâgala du Pânjâb (VII, 1, 46) d'une autre Sâgala située dans l'Inde centrale (VII, I, 56), il introduit par la formule habituelle le surnom que les Grecs avaient donné à la première : » rai Eihvuxa;x. Sur l'analogie de la formation du nom d'Alexandrie et d'après celui du fondateur de la dynastie gréco-panjâbie, Euthydèmos de Magnésie, on a voulu longtemps corriger la leçon des manuscrits en Euthydèmia. L'opinion prévaut aujourd'hui qu'il faut, conformément aux règles d'une saine méthode, s'en tenir à la lectio difficilior. Mais en ce cas il est impossible à un indianiste de ne pas s'apercevoir aussitôt : 10 qu'Euthymèdia est la traduction littérale de samyak-sankalpa (pâli sammâ-sankappa) qui signifie « la détermination (ou résolution)