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0148 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 148 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LES INFLUENCES ARTISTIQUES

pu trouver son application ? » La réponse est que c'est justement cette évacuation officiellement consentie qui rendait la précaution nécessaire. Tant que les Grecs étaient établis en maîtres dans toute la région indo-iranienne, leur droit de conquête, en faisant d'eux tous (comme on dirait aujourd'hui) des sâhib, leur créait de facto une situation privilégiée. C'est du jour où le retrait de 1 3 ur administration et de leurs garnisons les réduisait au droit commun qu'il devenait nécessaire que leur statut social fût établi de jure. Cela aussi, Séleukos le comprit. Il se devait à lui-même de ne pas abandonner à l'arbitraire des bureaucrates des Mauryas ceux de ses compatriotes que leurs intérêts matériels ou leurs affections familiales retenaient dans les pays rétrocédés sans tenter de garantir par traité leur statut social : et quelle meilleure garantie pouvait-il leur offrir que leur introduction dans la hiérarchie de la société indienne, si exclusive que fût celle-ci ? C'est là que nous atteignons le nœud du problème. Les Gréco-Asiatiques que la conquête macédonienne avait entraînés dans son sillage ne nourrissaient pour leur part aucune de ces répulsions héréditaires qui rendent de nos jours si rares en Orient les mariages mixtes entre chrétiens, musulmans et hindous. De ce fait, nous avons des preuves assez sûres. Alexandre n'a-t-il pas lui-même donné l'exemple en épousant tour à tour la fille d'Oxyartès et celle de Darius ? Et ses compagnons n'avaient-ils pas fait chorus lors de la grande fournée d'hymens gréco-persans célébrée à Suse en 324 ? A la vérité, dans l'Inde libérée la situation ne se présentait pas de même que dans l'Irân asservi. Il ne fait pas de doute que l'Hindûstân ne fût dès lors dominé par le système des castes, lequel repose essentiellement sur la prohibition du mariage exogamique. Dès lors, le jus connubii conféré aux Grecs ne pouvait devenir valable que grâce à leur admission, fût-ce au plus bas degré de l'échelle, dans la classe des kshatriya — c'est-à-dire dans celle qui cadrait le mieux avec l'aspect guerrier sous lequel ils s'étaient dès l'abord imposés et qui, correspondant à notre noblesse d'épée, ménageait suffisamment leur amour-propre. Du même coup tout s'éclaire à nos yeux. Les deux informations, hétéroclites d'apparence, qui nous sont parvenues par le canal de chacune des parties contractantes ne se bornent plus à coïncider si seulement on prend soin de les appliquer l'une sur l'autre : toutes deux s'appuient à présent sur le fondement, historiquement solide, d'une nécessité politique et sociale ; et enfin il nous apparaît nettement que cette convention réciproque fut conçue, du côté indien, comme une concession jugée possible, du côté grec comme une compensation estimée indispensable (9).

A cet endroit de notre exposé une première pause devient nécessaire. Il serait vain de prétendre épuiser les conséquences lointaines de ce maintien d'une colonie grecque en Ariane pendant le Ille siècle avant notre ère : mais il nous faut au moins indiquer celles qui concernent le plus directement notre sujet. Au point de vue politique, l'existence de ces agents .d'information et de propagande nous aide à comprendre la facilité avec laquelle les Gréco-Bactriens ont étendu leur domination au versant sud de l'Hindûkush. Il ne tient qu'à nous d'imaginer comment l'avance d'Antiochos III Mégas à travers les marches indiennes (supra, p. 209) fut fêtée à chaque grande étape par les marchands grecs égrenés le long de sa route ; on devine en tout cas quel accueil enthousiaste les mêmes milieux réservèrent, lors de la dislocation de l'empire des Mauryas, au retour triomphant de Dèmètrios à la tête de son armée (vers 185 av. J.-C.). Au point de vue social qui nous intéresse encore davantage, c'est plus d'un siècle qui a été laissé aux métèques grecs pour faire souche dans le pays d'une nombreuse progéniture parmi laquelle nos préjugés blancs distingueront aussitôt deux catégories différenciées par leur teint. D'une part, il y avait tous les Yavanas de race pure, mais nés et élevés en pays indien, en connaissant la langue et en ayant en partie adopté la mentalité, et dont le plus brillant représentant fut le soldat de fortune, achevé en grand homme d'État, qui s'appela Ménandre; dans l'autre lot nous parquerons la légion anonyme des métis ou, comme on