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0113 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 113 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LA PROPAGANDE BOUDDHIQUE   279

seulement jusqu'à Kanishka : le souvenir de ce dernier n'était resté lié à la tradition des monastères qu'au Sud des Montagnes-Neigeuses. Sur ce point le témoignage de notre meilleur et plus sûr document est formel.

A l'appui de cette donnée péremptoire semble venir une remarque incidente dont il convient de faire état sans plus tarder : car elle aussi tend à prouver qu'un fort intervalle de temps a séparé l'évangélisation de la montagne de celle de la plaine. Le Kapiça, la vallée de Bâmyân, la Bactriane possèdent, il faut le reconnaître, tout comme le Gandhâra, des reliques du Buddha — quand du moins leurs monastères ne se contentent pas de celles de quelque patriarche, telle la tunique sans couture de Çânakavâsa (supra, p. 135). Les unes sont des restes corporels (çdrîra), faits surtout de dents ou de fragments du crâne, c'est-à-dire des débris d'ossements que, de notoriété publique, on recueillait le plus ordinairement dans les cendres des bûchers de crémation. Les autres consistaient en des objets usuels (paribhojika) dont le Maître était censé s'être personnellement servi au cours de sa vie dernière : à Peshâwar on vénérait son pot-à-aumônes, à Nagarahâra son manteau et son bâton de mendiant, à Bactres sa cuvette et son balai. Il n'y a rien là qui puisse nous surprendre : l'aptitude bien connue des reliques à se multiplier entretenait indéfiniment leur commerce, et il semble que pour satisfaire la dévotion des néophytes de la Haute-Asie on les ait fabriqués en série et « par boisseaux ». Autre point, qui est d'importance : comme a beau mentir qui vient de loin, il suffisait de l'ingéniosité d'un colporteur indien, converti ou déguisé en moine, pour gagner sur le champ la crédulité publique. Mais si créer du jour au lendemain un centre de pèlerinage autour d'un reliquaire importé est chose relativement facile, c'est une tout autre affaire que d'acclimater en un terroir nouveau une légende née dans un milieu complètement différent. Si spécieuses que puissent être les raisons qu'on invoque pour justifier sa transplantation, elle ne peut gagner créance qu'à la longue, en se transmettant de la bouche des parents à l'oreille des enfants; et l'auréole d'un lointain passé est pour elle une nécessité primordiale. Bientôt même il vient un temps où l'opération, encore aisée en terrain complètement neuf pour les premiers arrivants, ne présente plus aucune chance de réussite, dénoncée qu'elle serait aussitôt par la concurrence des monastères déjà pourvus. Or, veuillez remarquer ce qui s'est passé à ce point de vue dans la région du Nord-Ouest. Tant que notre grand-route circule en plaine, elle est, pourrait-on dire, pavée de vieilles légendes, et il n'est pas d'ancien « stûpa d'Açoka» qui n'ait la sienne, choisie dans l'inépuisable répertoire des vies antérieures du Buddha. A Mânikyâla le Bodhisattva avait, disait-on' fait le sacrifice de son corps à une tigresse affamée ; à Takshaçilâ, celui de sa tête ; à Po-lou-cha, celui de ses enfants et de sa femme ; à Pushkarâvatî, celui de ses yeux; et à Nagarahâra, il avait reçu de son lointain prédécesseur Dîpankara la prophétie de sa future dignité surhumaine et même supra-divine. Maintes localités du Gandhâra et du Svât se donnaient comme le théâtre d'autres jdtaka, tels que ceux du jeune anachorète Çyâma, modèle de piété filiale; du vieil ascète Ekaçriinga qui devint sur le tard le jouet d'une courtisane; ou de ce roi des Çibis qui racheta à un épervier, en échange d'un poids égal de sa propre chair, la vie d'une colombe, etc. On était même allé, nous l'avons vu (p. 254) jusqu'à inventer de toutes pièces une tournée que le Buddha aurait faite en personne dans la contrée et au cours de laquelle il aurait dompté des Nâgas, converti une ogresse, reçu l'hospitalité d'un génie-éléphant, etc... Nous nageons littéralement en plein folk-lore de l'Inde centrale comme si, entraîné dans le sillage du bouddhisme, celui-ci avait submergé du même coup tout le Bas-pays. Mais dès que nous abordons le Kôhistân, changement à vue : le flot des vieilles légendes n'est jamais monté jusque là. Nulle part, ni dans la montagne ni au delà, nous ne trouvons plus de jdtaka localisé auprès des stûpa ou des monastères. On nous conte bien encore au Kapiça des histoires merveilleuses : mais (à l'exception de celle de Pîlu-sâr) il ne s'agit plus que de miracles