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0162 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 162 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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328   LES INFLUENCES ARTISTIQUES

travaillent à débrouiller les voies et moyens de la transmission en Orient des procédés et des motifs de l'art hellénistique.

LE MÉCANISME DE L'INFLUENCE. - L'intérêt de ces dernières remarques apparaît clairement dès que, se refusant à se laisser payer de mots, on cherche ce qu'il faut mettre sous cette expression abstraite de l' « influence artistique ». A quiconque prend souci de l'analyser, deux explications bien différentes s'offrent aussitôt. La première est celle que l'on pourrait appeler la théorie du « Græculus esuriens (z8) » : elle met tout sur le compte des artistes itinérants que les manuels d'archéologie classique nous montrent se répandant aux environs de notre ère à travers tout l'empire romain, depuis les colonnes d'Hercule jusque par delà l'Euphrate et le Tigre : praticiens habiles et possédant à fond le répertoire hellénistique, prêts à accepter n'importe quelle commande, créant chemin faisant des images à tous les dieux qui en manquaient encore, aussi bien en Gaule qu'en Perse, et pour la plupart d'origine grecque ; car où n'y avait-il pas de Grecs alors, de Gadès à Séleucie et même jusqu'à Taxila ? La seconde théorie pourrait recevoir le sobriquet de « système de la tache d'huile » : pour elle, tout s'explique par la lente extension d'un mouvement social n'intéressant pas seulement les manifestations artistiques, mais tous les aspects de la vie courante, et qui, gagnant petit à petit et imprégnant plus ou moins profondément les populations autour des centres constitués par les villes orientales érigées en cités grecques, aurait fini par couvrir, à tout le moins d'un miroitement superficiel, toute l'Asie antérieure. Ne rougissons pas d'avoir l'esprit ainsi fait qu'il préfère les moyens termes les plus plats aux plus brillants paradoxes et tende à admettre qu'en l'espèce les deux thèses ont tort et raison à la fois — raison en tant qu'elles se confirment mutuellement, et tort en ce qu'elles croient se contredire. Après tout, il en serait de la propagation de ces mystérieuses « influences » comme de celle des épidémies. Assurément celles-ci autant que nous sachions, ne s'étendent que pas à pas, d'un pays à un pays limitrophe, et à condition de trouver dans ce dernier un milieu favorable chez des gens en état de réceptivité ; mais, d'autre part, elles n'y pénètrent qu'à condition d'y être introduites par des individus porteurs de germes infectieux : et ainsi les deux modes de contamination se supposent et se renforcent l'un l'autre.

Après le rapide coup d'oeil que nous avons jeté sur l'Asie occidentale, nous sommes peut-être en mesure d'expliquer d'une manière provisoirement satisfaisante l'introduction de la technique hellénistique chez les imagiers gandhâriens. Il suffira de résumer ce que nous venons d'apprendre. Tout d'abord, cette influence artistique n'est que l'aspect le plus visible et tangible de la teinture d'hellénisation qu'a reçue le district au cours d'un siècle de domination grecque (entre 18o et 75 avant notre ère). Cette force de pénétration singulière, nous savons à présent où le régime Yavana l'a puisée : c'est avant tout dans le fait qu'il prolongeait dans l'Orient moyen l'action grécisante exercée dans le proche Orient par la domination séleucide. Au fond l'art gréco-bouddhique ne serait donc, comme on l'a écrit, « que le provignement le plus oriental de l'école gréco-asiatique qui avait déjà introduit sa technique en Perse (tg) »; et c'est justement pourquoi nous constations tout à l'heure que toute lumière projetée sur l'art de l'Irân se réfléchissait sur celui de l'Inde du Nord-Ouest. Tout cela se tient parfaitement. Mais, d'autre part, il n'y a plus personne pour croire, comme on faisait naguère, que, littéraires ou plastiques, les oeuvres d'art poussent spontanément dans l'imaginaire milieu de la « conscience populaire ». Même les créations collectives comme les épopées et les écoles de peinture ou de sculpture ont leurs initiateurs : et la véritable révolution_ opérée dans les ateliers du Gandhâra ne peut s'expliquer que par l'intervention d'artistes et non simplement par l'importation de modèles, ni même de carnets de motifs, provenant de l'étranger.