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0118 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 118 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LES PROPAGANDES RELIGIEUSES

de son évolution ultérieure dans la région indo-iranienne échappe en effet aux moyens d'investigation purement externes auxquels notre enquête est volontairement réduite. Ce n'est pas que les documents manquent absolument ; mais les données que nous possédons, par exemple, sur le concile qu'aurait convoqué Kanishka, sur la multiplication des sectes, sur la succession des patriarches ou sur l'oeuvre des grands Docteurs de l'Église dépasse de haut, même quand ceux-ci sont originaires du Gandhâra, le plan terre-à-terre sur lequel nous avons pris le parti de nous tenir. Seules les manifestations concrètes de concepts nouveaux peuvent parfois, grâce à un hasard heureux, prêter prise à la géographie historique. Les idées ont beau, comme on dit, « être dans l'air », elles ne se transmettent pas comme les semences par le vent qui souffle, mais par des hommes qui parlent ou qui écrivent ; et comme ces hommes ou ces livres seront forcément venus par la route, il nous appartient de guetter leur passage vers l'Inde. Rien n'interdit d'ailleurs de supposer, sauf vérification, qu'à leur retour les premiers auront rapporté dans leur pays d'origine des conceptions ou des méthodes indiennes et que pour les seconds 'un fructueux échange aura pu s'établir entre l'Est et l'Ouest.

Pour exercer dans les meilleures conditions possibles notre métier de guetteurs, commençons par nous orienter rapidement au milieu de la touffue prolifération religieuse qui va venir

forêt à la forêt de cultes locaux, aryens, iraniens ou déjà hindous que nous avons essayé d'éclaircir et de cadastrer dans les deux premiers paragraphes du présent chapitre. Les historiens des religions ont depuis longtemps caractérisé la profonde transformation qu'a subie le bouddhisme après son importation dans le Nord-Ouest par deux mots qui en résument les deux principaux aspects : MahAyAnisme et Tantrisme. Nous disons intentionnellement « les deux aspects » : car, d'une part, les deux mouvements sont en fait contemporains, encore que la date relative de leurs monuments écrits ou figurés contraignent les histoires de la littérature et de l'art à en traiter de façon successive ; et, d'autre part, si l'on va jusqu'au fond des choses, ces deux doctrines (ou plutôt groupes de doctrines) poursuivent par des moyens différents, et qu'à l'occasion elles s'empruntent, exactement le même dessein. A la théorie dont s'accommodait la longue patience des premiers bouddhistes et qui exigeait pour s'élever peu à peu dans l'échelle des êtres jusqu'à l'humanité, puis dans la hiérarchie des hommes jusqu'au rang suprême de Buddha, un nombre incommensurable de renaissances successives, il s'agit avant tout de substituer à l'usage de gens beaucoup plus pressés un système de raccourcis qui, renchérissant les uns sur les autres, mèneront en l'espace d'une vie, d'une année, d'une heure, d'une minute au but, supposé à présent accessible à tous, de l'Illumination (bodhi). Pour tenter de réaliser ce miracle tous les procédés seront bons, depuis les drogues narcotiques et les débauches orgiaques, en passant par les formules cabalistiques, es dévotions piétistes et les transes mystiques, jusqu'à la totale sublimation de l'univers et de la personne dans l'absolue « vacuité » d'un nihilisme transcendantal. On le voit, la gamme serait longue à parcourir. Mais si les considérations déjà développées ci-dessus (p. 256) sont justes, pour tout ce qui concerne les pratiques sensuelles ou émotionnelles, magiques ou ascétiques, la région indo-iranienne n'avait qu'à puiser dans le vieux fonds préhistorique que lui avaient légué ses sorciers et sesyogin, ses Atharvan et ses Angiras ; et d'autre part, il ne serait pas difficile de trouver dans les vieux siitra les germes de l'idéalisme nihilistique que les penseurs bouddhistes ont construit parallèlement et en opposition au Vêddnta des brahmanes. C'est donc bien dans la Zone intermédiaire entre les mécanismes physiologiques et les spéculations métaphysiques, celles des créations mythologiques ou des visions apocalyptiques, que nous avons le plus de chance de surprendre l'intervention d'influences venues d'ailleurs, et plus particulièrement de l'Ouest.

Il ne faudrait pas toutefois, dans notre ardeur à épier l'horizon occidental, omettre entière-