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0145 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 145 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LE BERCEAU DE L'ÉCOLE   311

objets précieux de l'époque hellénistique, produits d'importation et plus ou moins industrialisés, .qu'a rendus et que recèle encore le sol bactrien ou sogdien. Ce qu'on veut croire et nous faire croire sans l'ombre d'une preuve adéquate, c'est qu'un rejeton de l'art grec, transplanté en Bactriane, y a fleuri et proliféré à tel point que ses ateliers ont été capables de fournir des maîtres et des modèles à l'Inde comme à l'Asie centrale. Que l'entremise d'une telle école ait pu naguère paraître aux meilleurs esprits un excellent moyen, voire même un postulat nécessaire pour rendre compte de la propagation de l'influence classique dans le Moyen-Orient, nous en convenons sans peine; et qu'une fouille heureuse en découvre un jour quelque vestige, c'est toujours le voeu le plus cher de la Délégation archéologique française en Afghanistan comme ce fut l'attente de ses initiateurs : mais rien, absolument rien ne justifie actuellement l'usage qu'on fait couramment de ce fantôme illusoire. Il apparaît même, dès qu'on y regarde de près, qu'il n'est que le produit d'une hallucination provoquée par l'éblouissement de nos yeux européens devant la perfection de la numismatique gréco-bactrienne. Qu'on se garde, si l'on veut, de rien nier ni affirmer : qu'on ait seulement la prudence d'attendre, avant de conclure gratuitement de l'excellence de la glyptique à la floraison concomitante en Bactriane de tous les autres arts du dessin, qu'on en possède le moindre indice

Allons plus loin : admettrions-nous, pour faire la partie belle à nos honorables contradicteurs la possibilité que les sites antiques de l'Oxiane renferment temples et palais, statues et peintures de style grec, cela même ne les avancerait guère. La question n'est nullement de savoir si l'art hellénistique a pénétré ou non en Bactriane sous d'autres formes encore que la glyptique : il s'agit de vérifier ou de démentir la naissance en ce pays d'un art dont le caractère essentiel est d'être mixte — ou, comme nous avons cru pouvoir dire, « métis » — combinant la forme étrangère avec un fond indigène. A ce moment de notre argumentation, il nous faut faire à nouveau état d'une remarque dès longtemps publiée par E. J. Rapson. Les monnaies des monarques Yavanas se partagent, nous dit-il, selon leur provenance bactrienne ou indienne, en deux catégories distinctes et impossibles à confondre. Tandis que les monnaies frappées en Bactriane sont purement grecques de style, de langue et de poids, il n'en va plus de même de celles qui ont été fabriquées au Sud de l'Hindûkush. Les unes et les autres « sont l'oeuvre de régions différentes et le produit de types différents de civilisation. En Bactriane, les Grecs dominaient sans conteste au milieu de populations d'une culture inférieure. Au Sud de la barrière montagneuse, dans la vallée de Kâbul et dans l'Inde, ils se trouvaient en contact avec une civilisation qui, à bien des points de vue, était aussi avancée que la leur et même plus ancienne — une civilisation où, comme dans la vieille Égypte, les institutions religieuses et sociales avaient été depuis longtemps stéréotypées et où toute initiative individuelle dans l'ordre littéraire ou artistique était d'avance emprisonnée dans les liens d'une tradition séculaire. Avec cette civilisation profondément enracinée les Grecs furent forcés d'entrer en composition : les résultats de ce compromis sont visibles dans les légendes bilingues de leurs monnaies et l'adoption de l'étalon indien (ou perse)... » Notre prospection des deux versants de l'Hindûkush n'a fait que confirmer à nos yeux le bien-fondé des observations de, l'éminent historien et numismate (7). Nous ne voyons pas d'autre manière de rendre compte du contraste surprenant que chacun peut observer entre les monnaies des mêmes dynastes, selon qu'ils sont encore gréco-bactriens ou déjà devenus indo-grecs. Les premières pourraient aussi bien avoir été exécutées en Grèce, tandis que les marques d'influence indigène se multiplient aussitôt sur les pièces sorties des ateliers du Kapiça, du Gandhâra ou du Panjâb : « Comment, disions-nous à notre tour, expliquer tant de passivité et d'inertie de la part de la Bactriane sinon par l'absence d'un art national ? » Et, voudrions-nous ajouter aujourd'hui : « Comment envisager l'hypothèse de la création d'une école hybride dans un pays semi-civilisé et totalement dépourvu de réaction locale ?