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0196 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 196 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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362   CONCLUSIONS

et c'est là ce que nous voyons aujourd'hui de plus « salutaire » clans leur prétendu rôle de « Sôtèr ». L brève influence de cet hellénisme décadent et fatalement atténué par la distance n'a pu être que superficielle ; mais, de toutes les formes qu'elle a prises, l'artistique était justement celle qui pouvait le plus longtemps et le plus loin prolonger son action. En dernière analyse, c'est aux Indo-Grecs que nous avons dû attribuer, fût-ce in extremis, sinon la création du type du Buddha, à tout le moins la conception et les premières ébauches peintes ou sculptées d'un type qui, sous son aspect définitif, se réclame encore ouvertement de la facture comme de l'inspiration hellénistique. Nul ne pouvait alors prévoir quelle glorieuse et toujours vivante carrière attendait cette contribution, spontanée de la part d'un Grec, et révolutionnaire aux yeux des seuls Indiens, à l'art religieux de l'Asie orientale.

L'intrusion scythique. — Que l'influence des Yavanas se soit surtout fait sentir au lendemain de leur déchéance, c'est là (nous l'avons vu, p. 333) un fait que l'on pourrait ériger en loi dans une contrée où les lentes modifications culturelles sont toujours en retard sur les éphémères régimes politiques auxquels il appartenait d'en prendre l'initiative. Comme, pour être tardifs, ses résultats n'en ont pas moins été importants et durables, il faut croire que les circonstances lui étaient moins défavorables qu'on n'aurait pu craindre en voyant se ruer successivement sur l'Inde du Nord-Ouest tant de hordes barbares. Il est même permis de se demander si ses idéaux et ses procédés n'étaient pas plus facilement acceptables pour les envahisseurs étrangers (Mlêcchas) que pour les indigènes imbus d'une civilisation déjà ancienne et connue pour son hostilité obstinée envers n'importe quelle innovation. En tout cas, il est certain que conceptions et techniques nouvelles prévalurent. En cette occasion nous inclinerions à ne faire que médiocrement état du « philhellénisme » affiché par les dynastes parthes : ce n'était là chez eux qu'une affectation d'élégance ou une manoeuvre politique. Leur éducation comme leur tempérament les rendaient congénitalement imperméables au bouddhisme — et sans doute aussi, en dépit de la légende de saint Thomas, au christianisme. Au contraire, si farouches que fussent les Çakas et les Tukhâras (et ils ne pouvaient guère l'être plus que les Francs de Clovis), c'est, semble-t-il, avec docilité que leurs âmes neuves reçurent l'empreinte de la culture et de la religion alors prévalentes dans le Nord-Ouest, et dont la supériorité pratique et morale s'imposait d'elle-même. A en croire les inscriptions votives, c'est d'abord sous la tutelle des satrapes scythes, puis sous le patronage avoué du grand empereur Kushâna qu'autour de l'image, enfin fixée et vulgarisée, du Buddha acheva de s'élaborer et finalement s'industrialisa une iconographie revue et corrigée de sa légende ; et la preuve que cette imagerie nouvelle était à la fois plus intelligible pour les yeux et plus satisfaisante pour la dévotion des fidèles, c'est que son succès est allé s'affirmant jusqu'à nos jours dans tout l'Extrême-Orient. Nous ne nous étendrons pas sur cette curieuse synthèse gréco-bouddhique dont le Gandhâra fut le creuset originel : nous ne lui avons déjà consacré que trop de pages. En revanche nous ne saurions nous dispenser de mettre en lumière le fait, qu'obéissant tour à tour à une sorte de loi géographique, les Sûrên parthes et les Yabgu scythes (de même qu'après eux les Tegîn hephtalites et les Shâhî turcs) ont pris à tâche de restaurer politiquement l'ancien royaume des Basileis Yavanas. Sans doute les bornes de leurs annexions s'étendent parfois beaucoup plus loin, soit au Sud-Est du côté du bassin du Gange et de la côte du Surâshtra, soit au Nord-Est du côté du bassin du Tarim; mais c'est toujours la région indo-iranienne, et plus précisément la partie septentrionale de cette région qui forme le centre de gravité de leurs instables empires, à telles enseignes que dans la tradition bouddhique Kanishka, comme pour mieux faire pendant à Açoka, le roi de Magadha, est resté connu sous le nom de « roi du Gandhâra ». N'omettons pas enfin de rappeler que la grand-route du Nord-Ouest a presque toujours constitué la principale voie de communication entre leur patrie d'origine et le terme ultime de leur progression.