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『東洋文庫所蔵』貴重書デジタルアーカイブ

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0056 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.1
インドからバクトリアのタキシラに到る古道 : vol.1
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.1 / 56 ページ(カラー画像)

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doi: 10.20676/00000237
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46   GÉOGRAPHIE DE LA ROUTE

rantes étendues de l'Asie. Notre premier soin doit être de dégager les leçons de cette courte, encore que laborieuse, expérience ; et la première qui s'impose à notre attention est la difficulté qu'éprouve l'homme, quand il veut se représenter le passé, à se dégager des données que lui fournit le présent. Nos études particulières ont été indéniablement faussées, à l'insu d'elles-mêmes, par le prestige outrancier que cent ans de publicité continue, grâce aux relations des voyageurs et aux récits des correspondants de guerre, ont valu dans le Nord-Ouest entre toutes les villes à Kâbul, entre toutes les passes au Khaïber, entre tous les ponts à Attock. Comme chaque officier britannique se targuait d'avoir marché sur les traces d'Alexandre, le plus simple était évidemment de décréter qu'Alexandre avait d'avance suivi le même chemin que les colonnes anglaises. C'est ainsi que se réécrit l'histoire ; et il est peu de métiers plus ingrats que de réagir contre des idées préconçues, une fois qu'elles sont en possession d'état. Nous ne nous faisons aucune illusion : le passage de l'armée macédonienne par le Khaiber restera longtemps encore un article de foi dans toutes les garnisons du Panjâb, aussi vrai que le stûpa bouddhique de Mânikyâla est indubitablement le tombeau de Bucéphale.

Corollaire : la seconde cause d'erreur dont il convient de nous défier, c'est la tentation de croire qu'une vérité historique, une fois établie ou rétablie à grand renfort de textes, reste indéfiniment vraie. L'ignorance des Européens a longtemps trouvé commode de poser en axiome qu'en Asie les choses ne changent pas. Ils apprennent aujourd'hui à leurs dépens que, dans l'Inde comme en Chine, la situation se transforme parfois beaucoup plus vite qu'ils ne le souhaiteraient. S'il est bien tard pour réparer les fautes politiques du passé, que du moins cette leçon nous serve dans les templa serena de la philologie. En Asie comme ailleurs, un fait donné n'est constant que pour une période déterminée; et par suite les vérités historiques ne sauraient être toutes vraies en même temps. Il serait absurde de supposer, parce que Bactres a été la capitale de la Bactriane et Pushkarâvatî celle du Gandhâra, que ces mêmes cités le soient encore ; il ne l'est pas moins de croire, parce que Kâbul est la capitale de l'Afghânistân et Peshâwar, celle de la North-West Frontier Province (i), que ces mêmes villes l'ont toujours été. Avec de pareils raisonnements on aboutirait chez nous à maintenir à Lyon la capitale de la France, ou au contraire à laisser croire — ce que croit plus d'un Parisien — que les thermes de Julien à Lutèce étaient déjà l'établissement de bains favori de Jules César. C'est à de tels détails qu'on mesure le formidable travail que réserve encore aux générations futures la reconstruction idéale, étage par étage, de l'histoire indienne. Des confusions qui, s'il s'agissait de l'Europe, feraient sourire, règnent impavidement dans les meilleurs manuels d'indianisme; et elles n'en disparaîtront, petit à petit, qu'au prix d'indigestes monographies du genre de celle qu'il nous a bien fallu commettre. Il n'est que temps que les Indiens eux-mêmes se mettent enfin, et en nombre, aux travaux d'érudition concernant leur propre pays.

ROUTES et CAPITALES. — A ces considérations bien faites pour nous conseiller la prudence autant que la modestie, nous nous risquerons à joindre une constatation d'une enfantine simplicité, et qui pourtant donne la clef de la plupart des problèmes que nous avons tâché de débrouiller chemin faisant. Les grand-routes ou « routes royales » (râja-Matha) sont avant tout faites pour relier entre elles les capitales et, forcément, elles suivent ces dernières dans leurs déplacements. Toutes les déviations routières que nous avons eu à noter ci-dessus se ramènent en définitive à quelque manifestation d'une manie congénitale des villes indiennes : elles ont, comme on dit familièrement, la bougeotte. Raisons d'hygiène, de commerce, de politique ou de religion, nécessité vitale de se cramponner à une vagabonde rivière qui s'est retirée d'elles ou simple caprice royal,