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『東洋文庫所蔵』貴重書デジタルアーカイブ

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0140 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.1
インドからバクトリアのタキシラに到る古道 : vol.1
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.1 / 140 ページ(カラー画像)

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doi: 10.20676/00000237
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L'ARCHÉOLOGIE DE LA ROUTE

L'AJDAHÂ. — Regarderons-nous comme la source principale de la rivière de Bâmyân le ruisseau qui facilite vers le Nord-Ouest l'accès de la passe d'Ag-robât ? Ou adopterons-nous celui qui descend du Sud-Ouest et dont s'aide le sentier qui, par monts et par vaux, relie d'un trait les sources du Kunduz-daryâ à celles du Balkh-âb et rejoint à Daulat-yar (cf. supra, p. Io) le chemin direct entr'Hérât et Kâbul ? Toujours est-il qu'un peu en aval du confluent de ces deux ruisseaux, sur la rive droite, un curieux lusus naturce nous a paru illustrer une fois de plus la règle bien connue qui veut qu'en tout pays de la terre, et notamment en cette région de l'Asie, en dépit de tous les changements de religion, générations après générations persistent à aller prier aux mêmes places des divinités devenues différentes de nom. Ce que le présent cas a de particulier est que la superstition initiale s'est accrochée à un 'simple accident géologique et que, si nous ignorons sa physionomie la plus ancienne, nous pouvons du moins la suivre à travers ses deux travestissements successifs, le bouddhique et l'islamique. A l'origine, il n'y a rien qu'une arête rocheuse, longue de 30o mètres et orientée du Nord au Sud. L'extrémité septentrionale, celle qui est devenue la « tête », est blanchie par les abondants dépôts d'une grosse source minérale (pl. XXVIII a, b, c). Cette eau tiède, légèrement salée et gazeuse, dégage apparemment de l'acide carbonique, car on nous a raconté l'histoire de deux hommes asphyxiés au fond d'une fissure, l'un en allant chercher son bonnet qui y était tombé, et l'autre en se portant au secours de son camarade. Elle jaillit en bouillonnant par non moins de quatre orifices, et les gens du pays se souviennent d'un temps où elle était plus abondante encore et débordait par toutes les fentes du rocher. Qu'elle ait ou non des vertus bienfaisantes, une telle curiosité naturelle dut être de tout temps l'objet d'un de ces cultes dits « animistes » qui forment en tout pays le fond toujours vivant des croyances humaines — à telle enseigne que les « religions du livre » elles-mêmes, désespérant de les abolir, doivent se résigner à les baptiser à leur mode.

Surviennent (à notre avis, pas avant la fin du Ier siècle de notre ère) les missionnaires bouddhiques indiens. Comme tout le monde, ils montent voir le phénomène, en font le tour et, en regardant la longue roche du côté de l'Ouest (pl. XXVIII e), les voilà aussitôt qui s'écrient : « Hommes aveugles, comment ne voyez-vous pas que c'est là une image svayambhû (c'est-à-dire spontanée) du Buddha couché sur son lit de mort ? Et la preuve irréfutable, c'est que, comme il est spécifié dans les Saintes Écritures, il a la tête tournée vers le Nord... » Argument évidemment sans réplique ; mais le propre d'un croyant visionnaire est de n'être jamais à court d'arguments. Car voici qu'à présent (dès la fin du vue siècle) les Musulmans arrivent : « Cette longue roche serait une image du Buddha ? Quelle monstrueuse idolâtrie ! Ce n'est rien d'autre que le cadavre de l'Ajdahâ, du grand dragon qui désolait toute la contrée, et qu'Hazrat 'Ali, le cousin et le gendre du Prophète (béni soit son nom !) a jadis mis à mort. Vous demandez des preuves ? Auriez-vous donc des yeux pour ne point voir ? (cf. pl. XXVIII c et d). Regardez ces rouges lichens : ils sont encore teints du sang du monstre. Ces mille petites cupules, ce sont ses écailles; cette longue faille qui fend en deux le rocher, c'est l'estafilade laissée par Zulfikar, le bon cimeterre d"Alî; cette vasque, cette cavité oblongue, ce trou conique, c'est la mangeoire, la marque du sabot, la trace du piquet de son fameux coursier Daldal... » Comment douter encore ? Et voilà pourquoi — peut-être à la place même où s'élevait jadis une chapelle bouddhique — une petite mosquée ronde, de la forme des tentes turcomanes, a été bâtie par les Musulmans, et le pèlerinage continue (6). Au fond, c'est tout ce que chacun voulait.

— Pardon, nous dira-t-on : la fin du scénario que vous prétendez avoir lu sur la face même des vestiges existants est d'évidence oculaire, et nous voulons bien admettre que le début, que vous enveloppez d'ailleurs d'un vague prudent, en soit suffisamment vraisemblable ; mais com-