国立情報学研究所 - ディジタル・シルクロード・プロジェクト
『東洋文庫所蔵』貴重書デジタルアーカイブ

> > > >
カラー New!IIIFカラー高解像度 白黒高解像度 PDF   日本語 English
0091 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.1
インドからバクトリアのタキシラに到る古道 : vol.1
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.1 / 91 ページ(カラー画像)

New!引用情報

doi: 10.20676/00000237
引用形式選択: Chicago | APA | Harvard | IEEE

OCR読み取り結果

 

LE PRONOSTIC   81

se sert aujourd'hui, et cela dans l'Irân tout entier. Aussi la première impression du voyageur arrivant en Perse est-elle toujours quelque peu gâtée par l'aspect lamentable de ses bourgades. Partout des maisons de pisé dont la moitié tombent en ruines, si bien que chaque agglomération humaine a l'air de retourner à la tombe avant même d'être complètement sortie du berceau. Je soupçonne à présent que les villageois ont de bonnes raisons pour agir avec cette apparente incurie. A partir d'un certain degré de négligence et d'abandon, on a plus d'intérêt à construire une maison neuve qu'à essayer d'en réparer une ancienne. D'abord les réfections tiennent mal sur la glaise des vieux murs. Puis une nouvelle habitation assure temporairement une immunité relative contre les hôtes indésirables, mais impossibles à écarter — nous le savons par expérience — que sont les différentes espèces de vermines, serpents, scorpions, tarentules, et le reste. Enfin cela est si commode et si vite fait : il n'y faut qu'un charpentier, avec quelques troncs d'arbres, et un « boueux » (gel-Ur). On creuse sur l'emplacement même de la future demeure pour en extraire la terre; après quoi on se borne à délayer celle-ci avec de l'eau en la mélangeant ou non avec un peu de paille hachée, ce qui la rend plus adhérente, la meilleure paille pour cet office étant celle de blé; résultat incident, il n'est guère de maison dont la cour ne soit en contre-bas du chemin qui la longe. Notez que ce système répond à tous les besoins locaux, y compris ceux des rois. Voulez-vous deux exemples entre bien d'autres ? Le Chehel-Sitûn d'Ispahân, avec ses hautes colonnes cle cèdre et son toit plat fait d'énormes troncs de platane recouverts d'argile, nous offre encore en cet âge du fer un spécimen attardé, mais grandiose, d'architecture en terre et en bois; et ce n'est pas autrement qu'était construit à Kâbul le palais royal du Bâlâ-Hisâr avant sa destruction par les Anglais, il n'y a pas un demi-siècle. Par ailleurs, comment avons-nous dû définir Bactres au temps de sa plus grande prospérité ? — Un grenier d'abondance et un vaste entrepôt de marchandises. Qu'à cela ne tienne : entrepôts et greniers s'accommodent fort bien du torchis et du pisé. A l'heure actuelle que sont les cités bien approvisionnées et commerçantes de Meshhed et d'Hérât, de Mazâr-é-Sharîf et de Tâsh-Qurghân, sinon de très gros villages de boue ? Survienne une invasion ou un tremblement de terre, et ces villes offriront exactement le même spectacle que le Balkh d'aujourd'hui. Mais, au fait, pourquoi parler au futur ? Le Bâlâ-Hisâr de Kâbul, dans l'état où l'a mis la vindicte britannique, ne nous présentait-il pas l'image anticipée de celui qui nous attendait ici ?

— Peut-être, direz-vous : mais il nous reste la vieille période grecque et perse... C'est à cette dernière branche de salut que désespérément je me raccroche aussi quand je me sens prêt à perdre pied. A vrai dire ce n'est pas que, pendant ces quatre siècles triés parmi vingt-quatre, la Bactriane ait joui d'une paix parfaite : c'est là un don que le ciel lui a toujours refusé. Mais enfin, avant comme après la conquête d'Alexandre, ni les rébellions chroniques, ni les perpétuelles dissensions intestines de ses satrapes ne sont de ces convulsions politiques qui, à la façon d'une irruption de Barbares, compromettent toute une civilisation. Jamais sans doute les temps ne furent plus continûment favorables à des entreprises de palais et des commandes d'objets d'art, dussent les maîtres de l'heure avoir recours pour l'érection et la décoration de leurs résidences à des artistes venus d'Occident. Malheureusement, s'il suffit d'un graveur pour buriner un coin et d'un sculpteur pour ciseler une statue, un architecte ne saurait construire une maison à lui seul. Il lui faut encore des artisans de toutes sortes : d'où les faire venir, ou, si on les recrute sur place, comment leur imposer des procédés nouveaux ou des matériaux inaccoutumés ? Non seulement l'usage architectonique de la terre est immémorial en Irân, mais le pis est (à notre point de vue) que cet usage paraît fondé sur un fait d'expérience séculaire que se transmettent les générations. Dans ce climat continental, qui connaît tour à tour les deux extrêmes de tempé-

II