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Mission Scientifique dans la Haute Asie 1890-1895 : vol.1 | |
Scientific Mission to High Asia 1890-1895 : vol.1 |
EXPLORATION DE 1894. 351
hennissaient, les chiens aboyaient, les coqs chantaient. La vie et l'abondance avaient succédé a la stérilité et å la mort. Vers midi, les murailles de Tong-lcor nous apparurent, dessinant parmi les lignes tourmentées et confuses des montagnes leur carré géométrique et leur crénelure régulière. Le P. IIue nous fait de cette ville une description animée et pittoresque qui laisse l'impression de quelque chose de singulièrement sombre et farouche; la réalité me donna au contraire une impression de clarté et de gaieté : c'est que le P. TIuc venait de la lumière au lieu que je venais de l'ombre, et, selon la parole du poète -persan : Pour les houris du paradis, c'est un enfer que le purgatoire; demande aux damnés de l'enfer : le purgatoire est un paradis. Ces Tibétains truculents, que le bon père nous représente dans les rues et les hôtelleries de Tong-lcor avec leur sabre en travers de la ceinture, leur chevelure hirsute, leur saleté repoussante, leur démarche fière, leurs gestes brusques, leurs éclats de voix et leurs regards féroces, sont en effet des gens paisibles, voire timides parce qu'ils se sentent dépaysés, un peu gênés dans leurs habits des dimanches, qui se sont lavés, peignés, parés pour se rendre présentables en une ville policée, qui prennent Miche a paraître élégants et lien élevés, comme il sied
dans le noble voisinage d'un sous-préfet de l'auguste Empereur, et si parfois ils crient et font du bruit, ce n'est point qu'ils veulent mal de
mort a persdnne, c'est qu'ils s'amusent, qu'ils sont joyeux et qu'ils
veulent que tout le monde le sache. Le P. Huc les comparait aux Chinois, moi je les comparais a eux-mêmes, et je leur savais gré de leurs efforts pour se décrasser et se débourrer. D'ailleurs les Tibétains
sont loin d'étre en majorité A Tong-Icor qui est surtout une ville de
Doungan et de Chinois, et, quoique ces habitants chinois ne soient .point la fleur de la Chine, ils nous reposaient des Tibétains. Je vis le sous-préfet et le colonel qui, ne sachant rien encore, furent fort
étonnés et émus de l'état piteux oú j'étais et de la catastrophe dont nous avions été victimes; ils me témoignèrent une très réelle sympathie et me rendirent tous les services qu'ils pouvaient me rendre durant les .quelques heures que je restai dans leur gille.
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