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Mission Scientifique dans la Haute Asie 1890-1895 : vol.1 | |
1890-1895年の高地アジアにおける科学調査 : vol.1 |
326 MISSION SCIENTIFIQUE DANS LA HAUTE ASIE.
de farine et de beurre, afin d'obtenir du génie de l'onde, par ce sacrifice propitiatoire, la pluie nécessaire aux champs d'orge. Je restai donc presque toute la nuit, assis avec ma couverture sur la tête, songeant å ces choses terribles, révolues sans retour, au naufrage en vue du port, à la mort ih la veille des jours heureux. Une brutale certitude avait brusquement détruit le vague espoir que je m'étais obstiné à conserver contre toute vraisemblance. La perte d'un chef, dont l'Arne courtoise et noble, qui ne s'était pas démentie de sa bienveillance pour moi au cours de trois années et demie de vie commune, avait transformé les liens de la discipline, qui m'unissaient A lui, en ceux plus doux et plus sûrs de l'amitié, l'impuissance douloureuse où je m'étais vu de le secourir et de le soulager en sa détresse, l'amertume de la défaite infligée par des barbares sans générosité, les fruits de longs travaux, qui n'avaient mûri qu'à force de soins et de peines, dévastés par une heure d'orage, l'absolu dénuement qui me condamnait à la charité d'étrangers, incertains entre leurs préjugés et leur humanité, entre la crainte du présent et celle de l'avenir, le sentiment de ma solitude, de mon asservissement, de l'inanité de mes efforts dépourvus de point d'appui, toutes ces tristesses, jointes ensemble et multipliées les unes par les autres, me donnaient l'impression que je m'enfonçais comme dans une profondeur muette et sombre dont l'on ne revient pas. Deux choses, cependant, me soutenaient et m'inspiraient l'énergie de résister au désespoir : d'une part la conscience que dans ces pénibles circonstances, je n'avais rien fait que je n'eusse jugé le plus utile aux intérêts de notre chef et de notre mission, rien qui ne fúl conforme ii notre dignité d'hommes et d'Européens, que je n'avais rien abandonné à la peur du péril voisin, mais seulement A la nécessité matérielle ; d'autre part, le sentiment que de grands devoirs m'incombaient encore qui, quel que pût être le succès, réclamaient tout mon zèle et toutes mes forces.
Le lendemain et le surlendemain il ne se passa rien, et je m'appliquai de mon mieux à ne point céder aux mauvaises suggestions de l'impatience, qui est, en Asie, le plus grave et le plus dangereux des
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