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0028 La Vie du Bouddha : vol.1
La Vie du Bouddha : vol.1 / Page 28 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000286
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26   LE CYCLE DE KAPILAVASTOU

lui sert d'aliment ? Ainsi ce qui transmigre de vie en vie, ce n'est pas le même individu, mais au fond c'est toujours le même karma qui évolue.

Une fois dûment avertis — et il était essentiel que nous le fussions dès le début — laisserons-nous aux docteurs ces raffinements subtils dont ne s'inquiétait guère le commun des fidèles ? Le contraste entre les idées bouddhiques et chrétiennes n'en demeurera pas moins grand. Selon nos théologiens, l'âme humaine naît avec le corps (ou du moins peu après : car il existe toute une littérature sur la question de savoir à partir de quel mois le foetus reçoit son âme et doit par conséquent être baptisé dans le sein maternel) : mais en revanche elle est immortelle. Elle a donc un commencement, mais elle n'a pas de fin : assertion que tous les penseurs indiens sont d'accord pour considérer comme absurde, car ils tiennent en axiome que tout ce qui est sujet à la production l'est aussi à la destruction. Selon eux, cet on ne sait quoi qui transmigre de renaissance en renaissance est mieux qu'immortel ; il est éternel. Existant de tout temps, il n'a pas de commencement ; il ne peut même avoir de fin que de façon tout à fait exceptionnelle, quand à force de mérites acquis il est mûr pour cet achèvement suprême, le nirvâna dont il n'est pas de retour.

En partant de prémisses aussi opposées on comprend combien diversement se pose, ici et là, le problème. de la destinée humaine. Pour le chrétien la situation a quelque chose de tragique. Brusquement jailli du non-être, il joue sur la partie de cartes d'une seule existence une éternité de félicité ou de douleur ; et c'est pourquoi Pascal croit pouvoir acculer l'incrédule entre les deux branches de ce dilemme : ou bien le néant, si le Dieu terrible et jaloux n'existe pas, ou bien la damnation perpétuelle, s'il existe. Mais supposez que le brillant dialecticien vienne offrir à un bouddhiste ce fameux pari où l'on a, dit-il, tout à gagner et rien à perdre : il sera aussitôt éconduit avec une dédaigneuse politesse. L'Indien vient de loin et il a tout le temps de voir venir. Sa vie présente n'est qu'un moment passager au cours d'une interminable carrière où, récoltant le fruit de ses existences passées, il jette la semence de ses existences à venir. Jamais pour lui la mort ne sonnera l'heure d'un bonheur sans fin ni d'une chute irréparable ; et d'autre part ce n'est que très lentement, à travers des milliers et des milliers de vies successives qu'il prétend (ou du moins qu'il prétendait, car le néo-bouddhisme ou Mahâyâna s'est offert à accélérer les choses) s'approcher peu à peu de la perfection et obtenir ce prix suprême du salut que notre impatience réclame d'emblée. De ce salut même il se fait une idée exactement contraire de la nôtre. L'Occidental, né d'hier, n'aspire qu'à vivre et, dans sa soif d'immortalité, n'hésite pas à accepter, s'il manque le ciel, l'éventualité d'une période indéterminée, voire même interminable de souffrances dans le purga-