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0152 La Vie du Bouddha : vol.1
La Vie du Bouddha : vol.1 / Page 152 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000286
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150   LE CYCLE DU MAGADHA ET DE BÉNARÈS

sâra. C'est là la découverte qui fait le fondement solide et durable de sa supériorité et de sa gloire : c'est à elle qu'il doit d'être « l'Éveillé » parmi ceux qui s'enlisent dans la torpeur de la coutume et « l'Illuminé » parmi ceux qui se résignent à vivre dans les ténèbres de l'ignorance ; et déjà nous apercevons à son nom une traduction encore meilleure : dans le royaume des aveugles il est le « Clairvoyant ».

Mais notre comparaison comporte un diptyque dont nous n'avons encore examiné que le premier volet. Supposons à présent que cette abeille exceptionnellement douée, s'adressant à ses compagnes en leur langue, leur démontre la parfaite inutilité de leurs efforts ; que, prenant comme texte de son homélie le fameux vers latin : Sic vos, non vobis, mellificatis, apes, elle leur prêche la grève des pattes croisées et des ailes repliées, et leur persuade de laisser périr l'avenir de leur race, ces larves dont elles prennent d'ordinaire si passionnément soin : qui est-ce qui ne sera pas content ? C'est le maître du rucher que cette révolution inattendue menacerait dans la source de ses revenus comme de son ravitaillement ; et s'il arrive par ses observations à identifier l'individu trop avancé pour son espèce qui jette une pareille perturbation dans la marche régulière des choses, il n'aura le choix qu'entre deux attitudes possibles à son égard : ou bien l'écraser sans pitié, s'il en a la force, pour tuer avec le propagandiste sa néfaste propagande, ou bien user de diplomatie et le tenter en lui offrant la royauté de la ruche, bien entendu à condition que celle-ci reprenne son fonctionnement normal... Eh bien, si du monde des insectes nous repassons à celui des hommes, il y a également quelqu'un dont la prédication du Bouddha menace de détruire l'empire et qui, non moins naturellement, devra s'efforcer soit de le séduire, soit de l'exterminer : c'est le maître de l'univers sensible et sensuel sur lequel règne le désir que va proscrire la Bonne-Loi, c'est « le premier-né des dieux » Kâma, l'Amour, ou, si vous préférez lui donner son autre nom, Mâra, la Mort ; car les Indiens n'ont pas attendu Ronsard pour savoir é Que l'Amour et la Mort sont une même chose ». Il a exactement dans cette affaire les mêmes intérêts et doit avoir les mêmes réactions que tout à l'heure l'apiculteur de notre apologue : car, en même temps qu'à dépeupler son royaume, la propagande bouddhique ne tend à rien moins qu'à l'affamer personnellement. Ignoreriez-vous par 'hasard que les dieux se nourrissent des sacrifices que leur offrent les hommes, tout comme les propriétaires fonciers vivent des produits de leur cheptel ? Les vieux penseurs indiens se permettent sur ce point de véritables saillies d'enfants terribles : « Celui qui ne sait pas, celui-là est comme un bétail pour les dieux. Et de même que beaucoup de bestiaux nourrissent un homme, de même tous les hommes travaillent, chacun pour sa part, à nourrir les dieux. Qu'une tête de bétail nous soit enlevée, cela est fort déplaisant : combien plus, s'il s'a-