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0235 La Vie du Bouddha : vol.1
La Vie du Bouddha : vol.1 / Page 235 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000286
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LES PREMIÈRES CONVERSIONS   233

mis pied à terre, et tous, le nez en l'air et les mains jointes, ont les yeux fixés sur le promenoir aérien de l'invisible Bouddha. Les textes prêtent même à ce moment au Bienheureux les « prodiges jumeaux » de l'eau et du feu, les mêmes qui assureront plus tard sa victoire sur les maîtres hérétiques ; et, pour mêler au merveilleux une note attendrissante, la reine Mahâpradjâpatî, qui avait perdu la vue à force de pleurer le départ de son neveu et fils adoptif, l'a ce jour-là recouvrée en se baignant les paupières dans l'eau qui ruisselait du corps du Bienheureux.

Çouddhodana. — Du coup la glace de la séparation se trouve brisée entre le père et le fils, et entre eux s'engage une conversation amicale. Toujours mal consolé, le roi insiste longuement sur le pénible contraste entre la vie que son fils aurait pu continuer à mener et celle qu'en fait il mène. Tour à tour il le plaint de marcher pieds nus, et de coucher sur la dure, sans bains parfumés, sans vêtements fins, sans parures, sans vaisselle d'or, sans gardes, sans musiciens, sans femmes ; et, point par point, le Bienheureux le reprend doucement en lui démontrant que le sage peut être heureux en l'absence de toutes ces aises, et que l'état de religieux a ses compensations et ses privilèges. Le motif, assez prosaïquement traité, a été longuement repris par un versificateur cachemirien du xIe siècle, enchanté de rencontrer une si belle occasion d'accumuler des antithèses. C'est le père qui parle :

« Toi qui passais agréablement la nuit, sur la terrasse d'un palais de cristal, dans des lits souriants du reflet des soies, comment peux-tu te coucher maintenant à même le sol de la forêt, sur les dures pousses de gazon à demi brouté qu'a laissées la dent des gazelles .?

« Toi qui buvais dans des coupes de pierreries un breuvage aussi pur, aussi frais que la lune, ah, comment peux-tu à présent, dans l'étang où affolés par la chaleur buffles et éléphants se sont baignés, boire l'eau que leurs ventres souillés ont rendue trouble et amère ?

« Comment ta gorge est-elle veuve de ses colliers », etc. [On voit le thème; mais depuis longtemps le parti du Bouddha est pris et il s'est dit à lui-même] :

« Désormais je n'aurai plus en fait de parasol royal que les arbres de la forêt ; mes amis seront les bêtes des bois : mon lit de plaisirs sera le sol ; mes vêtements seront faits de l'écorce amincie des arbres ; ma cassette particulière sera le contentement de peu ; ma reine favorite sera la compassion pour les malheureux », etc.

Il faut le reconnaître pour la justification de tous ces jeux d'esprit, à aucun moment ni en aucun lieu l'écart ne pouvait être plus saisissant entre la princière et luxueuse jeunesse du Maître et son présent état de moine mendiant, à la merci de la charité publique. Là se bornent d'ailleurs ces effusions familiales. Aussitôt intervient l'inévitable prédication ; et avant de prendre congé le roi invite son fils et toute la Communauté des moines à venir régulièrement prendre au palais leur unique repas quotidien. Peut-être, insinue-t-on, était-ce une façon de s'épargner à lui-même la honte de voir son fils quêter sa nourriture dans les rues de sa ville ; mais, d'autre part, c'était introduire dans la bergerie,