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0151 La Vie du Bouddha : vol.1
La Vie du Bouddha : vol.1 / Page 151 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000286
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L'ILLUMINATION   149

chaque instant il lui demande, pour l'aider à comprendre, « de lui donner une comparaison » : peut-être est-ce aussi là pour nous là meilleure manière d'essayer de nous représenter clairement l'attitude du Bouddha devant le problème de la destinée...

Vous connaissez les abeilles : vous êtes-vous jamais penchés sur leur bourdonnante activité ? Écoutons ce que nous en dit un poète en prose : « Quelqu'un à qui je montrais dernièrement, dans une de mes ruches de verre... l'agitation innombrable des rayons, le trémoussement perpétuel, énigmatique et fou des nourrices sur la chambre à couvain, les passerelles et les échelles animées que forment les cirières, les spirales envahissantes de la reine, l'activité diverse et incessante de la foule, l'effort impitoyable et inutile, les allées et venues accablées d'ardeur, le sommeil ignoré hormis dans des berceaux que guette déjà le travail de demain, le repos même de la mort éloigné d'un séjour qui n'admet ni malades ni tombeaux, quelqu'un qui regardait ces choses, l'étonnement passé, ne tardait pas à détourner ses yeux où se lisait je ne sais quel effroi attristé... » Combien cet apitoiement et cette angoisse s'accroissent-ils encore quand on songe au perpétuel enchaînement des essaims qui construisent de nouvelles ruches et des ruches qui émettent de nouveaux essaims sans qu'on voie â

quoi leur sert cette alternance sans trêve   et puisqu'on ne peut
saisir ni commencement ni fin à ce cycle, comment ne pas avoir l'esprit hanté, que l'on soit Européen ou Asiatique, par l'image d'une grande roue tournant toujours sur elle-même, impitoyablement ? Et comme il ne peut nous échapper que les rues de nos grandes villes nous offrent en spectacle la même agitation fébrile autant que futile et qu'avant cent ans tous ces passants qui se hâtent ne seront plus que poussière, déjà nous ne savons plus bien si c'est sur le sort de ces misérables insectes ou sur le nôtre que nous nous attendrissons, et si la fatalité qui les aiguillonne n'est pas celle qui nous incite également à courir plus vite, toujours plus vite. Mais ne rompons pas si précipitamment le fil de notre allégorie et imaginons à présent que l'une de ces mouches à miel, se dégageant des mornes résignations de ses congénères et rompant l'obscur envoûtement de l'instinct, parvienne à « s'objectiver » de façon si prodigieuse qu'elle aperçoive ce que voit si clairement notre raison, à savoir la stérile inutilité des incessants et pénibles efforts de sa race : à quel plus digne objet celle-ci pourrait-elle témoigner une admiration et une reconnaissance sans bornes qu'à cette sorte de « sur-abeille » ?... Or telle est justement la hauteur de vues à laquelle le Bouddha, dépassant tous les penseurs passés, a réussi à s'élever devant l'éternel recommencement des générations humaines. Aucun homme n'a eu un

  • sentiment plus vif de l'absolue vanité de l'univers et de l'incurable misère de notre destinée, aucun n'a sondé de plus haut ni d'un oeil plus perçant la déraison de cette interminable ronde macabre perpétuellement entraînée dans le tourbillon du sam-