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0328 La Vie du Bouddha : vol.1
La Vie du Bouddha : vol.1 / Page 328 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000286
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326   CONCLUSIONS

bien » est le Nirvâna. Mais ce mot peut se comprendre de bien des manières. L'immense majorité des fidèles, sans s'inquiéter des théories des docteurs au sujet de la désintégration de l'âme après la mort, borne ses ambitions futures aux joies promises à tous les amis de la vertu dans des cieux gradués selon leurs mérites. Nirvâna est pour eux synonyme de Paradis. Nous avons entendu dans le fameux temple de la Dent à Kandy un guide singhalais qui, montrant à un groupe de pèlerins une peinture murale représentant un des palais célestes, appliquait à cette voluptueuse image le nom sacré de nibbân ! Un indianiste ne pouvait qu'en être scandalisé — peut-être à tort : car le cicerone ne faisait que se mettre à la portée de sa bande de visiteurs, si même il ne partageait pas leurs croyances. Assurément les\ bonzes du couvent voisin entendent autrement les choses : mais beaucoup d'entre eux, même parmi ceux qui lisent et qui pensent, n'aspirent au Nirvâna que comme à un havre de grâce, un port de refuge, asile sinon de béatitude, du moins de quiétude éternelle — de cette requies aeterna que, par une curieuse inconséquence, notre liturgie funéraire implore aussi pour chacun de nos défunts. Ceux-là mêmes qui restent dans la pure tradition du Maître, loin de voir dans la cessation de toute existence une perspective désespérante, saluent à l'avance cette extinction comme la plus heureuse des chances et la plus belle des victoires. Aussi bien quand le Bouddha est parvenu du même coup à la Clairvoyance et au Nirvâna, c'est un cri de triomphe et d'allégresse qui s'échappe de ses lèvres à l'idée qu'il a enfin brisé les chaînes du Destin et s'est pour toujours libéré de la prison corporelle. Il est une ivresse du néant comme un vertige du vide, et l'Europe aussi connaît l'enchantement du désenchanté.

On ne vit pas d'ailleurs perpétuellement en état d'exaltation métaphysique : sur le plan quotidien d'autres éléments d'appréciation, pour être beaucoup plus prosaïques, ne sont pas moins efficients. Rien de plus instructif à ce propos que de lire, par exemple, le récit des circonstances qui déterminèrent le grand disciple Anourouddha à se convertir. Elevé dans les oisives délices du luxe (il croyait que le riz sortait spontanément de la marmite), il commence par se déclarer incapable de suivre l'exemple des jeunes Çâkyas qui se sont enrôlés dans la Communauté de son cousin : comment lui, si délicat, pourrait-il supporter les privations de l'indigence monastique ? Mais il suffit qu'il s'entende énumérer les mille et un soucis et servitudes qui l'attendent en sa qualité de propriétaire exploitant d'un vaste domaine foncier pour que, horrifié, il ne songe plus qu'à sortir du monde au plus vite. Entrer dans l'Ordre, c'est en effet s'affranchir de toutes les obligations, familiales, professionnelles ou sociales : u Etre dépendant d'autrui, c'est une grande souffrance ; ne dépendre que de soi est la plus grande félicité » : et, en effet, on ne tient par rien celui qui ne tient plus à rien. Qui s'est retiré du jeu ne connaît