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0337 La Vie du Bouddha : vol.1
La Vie du Bouddha : vol.1 / Page 337 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000286
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CONCLUSIONS   33 5

autant renoncé aux croyances de son enfance : il leur aurait seulement « juxtaposé » la doctrine de la vacuité universelle. N'a-t-on pas vu de nos jours plus d'un savant réputé porter dans sa tête, comme en des cases séparées, deux ordres d'idées incompatibles entre elles, dont les unes, scientifiques, emportaient l'adhésion de sa raison sans pourtant le décider à leur sacrifier celles qui, religieuses, restaient l'objet de sa foi ? L'hypothèse est donc plausible : mais, tout en lui reconnaissant une part de vérité, nous préférons en suggérer une autre, historiquement plus défendable : c'est à savoir que la question ne se posait pas pour Çâkyamouni dans les mêmes termes que pour nous. Depuis que Descartes a séparé de la façon tranchée que l'on sait la « pensée » de « l'étendue », les philosophes sont contraints de s'atteler à la tâche de jeter un pont entre ces deux contradictoires : jamais le Bouddha n'a éprouvé le besoin de résoudre une antinomie qu'il ne percevait pas. Pas plus qu'il n'a songé à reconstruire la réalité dissoute par la raison pure sur le fondement de la loi morale, il ne s'est cru obligé de défendre la sanction des actes contre l'effet dissolvant de l'analyse phénoménale : ces difpicultueux et peut-être insolubles problèmes étaient encore hors du cercle de l'horizon intellectuel de son temps. Au milieu du confus mélange de principes disparates que l'introspection méthodique commençait à peine à débrouiller, aucune distinction foncière entre le physique et le moral ne pouvait clairement ressortir : elle eût d'ailleurs semblé une complication beaucoup plus gênante qu'utile. L'imagination romantique d'Alfred de Musset a bien pu transformer en une relation d'amour entre les planètes la loi mathématique de la gravitation universelle : qu'est-ce que cela change au spectacle de la voûte céleste ? Il en va de même quand nous lisons dans les textes tantôt que les cinq agrégats dont est fait notre semblant de personnalité se décomposent et se recomposent sans cesse, et tantôt que les actes «mûrissent» dans ces mêmes agrégats : les deux processus sont concomitants et l'un n'empêche pas l'autre. Ainsi qu'un arbre, selon son essence produit naturellement au cours de sa croissance des fruits sucrés, âcres ou insipides, de la même façon tout organisme animé, selon ses prédispositions, engendre en évoluant un karma doux, amer ou indifférent. Qu'importe aux séries phénoménales que nous nous bornions à contempler leur déroulement quasi automatique ou que nous escomptions leurs résultats qualificatifs ? Il n'y a là qu'une alternance de points de vue. Ethique et métaphysique ne sont pour le Bouddha que les deux aspects connexes d'un même Devenir — ou, si l'on préfère ainsi dire, puisque ce Devenir ne nous est connu qu'en tant que subjectivement appréhendé, d'une même psycho-physiologie. Si celle-ci nous paraît encore bien trouble, nous le devons à tous les chercheurs qui, repensant après lui le complexe humain, l'ont quelque peu clarifié sans davantage parvenir au terme synthétique de leur analyse.