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Documents sur les Tou-kiue (Turcs) occidentaux : vol.1 |
232 EDOUARD CHAVANNES.
nous apprend que, dans la trente-sixième année de Justinien, c'est-à-dire
précisément en 562-563, les Avares envoyèrent effectivement une ambas-
sade à Constantinople 1).
Les érudits européens ont cependant unanimement admis jusqu'ici que
les Hermichions ne sont autres que les Turcs eux-mêmes. Cette opinion se
fonde sur un texte de Théophaue de Byzance qui, parlant de l'ambassade
envoyée en 568 par les Turcs auprès de Justin, introduit ce peuple en
disant: «A l'orient du Taries se trouvent les Turcs qui, appelés Massa-
gètes dans l'antiquité, sont nommés par les Perses en leur langue Kermi-
chions 2)». Ce texte cependant n'est point aussi décisif qu'il peut le sembler
au premier abord. En premier lieu, il ne signifie pas que les Massagètes et
les Turcs sont un seul et même peuple; il veut dire seulement que les
Massagètes et les Turcs ont occupé successivement la même région. N'en
serait-il pas de même pour la seconde proposition, et les Kermichions ne
seraient-ils pas identiques aux Turcs dans la mesure seulement où ils au-
raient eu le même habitat qu'eux? Si cette manière de voir est acceptée,
les Kermichions pourraient être les Joan-joan qui précédèrent les Turcs.
Or précisément Marquart3) a expliqué le mot Kermichions comme étant
composé du mot iranien kerm qui signifie «ver» et de l'ethnique Hyaonas
qui apparaît dans l'Avesta; on sait que ces Hyaonas sont généralement
identifiés avec les Chionitae qui, au rapport d'Ammien Marcellin, troublè-
rent fort la frontière persane vers le milieu du quatrième siècle de notre
ère 4); les Kermichions seraient les Hyaonas (= Joan) comparables à des
vers, et dès lors cette appellation ressemble singulièrement à celle des
Joan-joan, ainsi nommés à cause de leurs mouvements insupportables
comme ceux des insectes ou des vers. D'autre part, nous avons vu que les
Joan-joan devaient être les véritables Avares; comme les Ouarchonites, en
arrivant en Europe, avaient pris le nom d'Avares, ils ont pu prendre aussi
celui de Kermichions par lequel les Perses désignaient les Joan joan, c'est-
à-dire les véritables Avares. Rien ne s'oppose donc à ce que Askel, roi
des Kermichions, soit en réalité un roi des Pseudavares ou Ouarchonites.
t'
Ménandre (Fragm. hist. graec., IV, p. 205).
Théophane de Byzance (Fragm. hist. graec., IV, p. 270): "Ori Tx 7rp6; Eúpov åvEµOv Toi) If'..oç Tcùpxoi vgp4vTxc 0: irDac 11IaaacyÉTac XaÌ~OU(L€v I OU; DEpaac oiXECa y)uwßßri KEpµcXíwvåç (plat.
Marquart, Historische Glossen, p. 196-197: Êrànsahr, p. 50. Tout en donnant cette ingénieuse explication, Marquart admet cependant que, dans les textes byzantins, le nom de Kermichions s'applique aux Turcs.
Cf. James Darmesteter, le Zend-Avesta, Annales du Musée Guimet, tome XXIV, p. LXXXIII.
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